Lampadaire

 

De grosses gouttes d’une lumière jaune épaisse coulent le long du lampadaire en fer.

Elles glissent et se frayent un chemin entre les pavés.

Et les pavés font le dos rond et se mettent à luire comme des carapaces noires et brillantes

Sous les semelles sonores, les gouttes jaunes éclaboussent les pavés.

Elles s’étendent dans les fentes comme des tâches d’huile, elles gagnent du terrain.

Elles enveloppent toute la rue, même les passants.

Elles assourdissent les pas des gens pressés et accompagnent les flâneurs comme des ombres.

Elles longent les vernis noirs en rigoles et jaunissent les cuirs blancs.

Elles rendent les nuits d’hiver plus rondes et les nuits d’été moins blondes

Elles cheminent dans la ville et en savent long sur nous.

Elles se jettent aux visages de ceux qui pleurent.

Elles caressent mielleusement les sourires heureux et soulignent sans merci les rides des soucis.

Elles étranglent les rires et elles étouffent les cris.